En réfléchissant au long conflit interne en Colombie, beaucoup pensent que le trafic de drogue est au cœur du problème. Cependant, la raison la plus significative se trouve encore plus profondément, enracinée dans l’histoire colombienne : la propriété foncière. La Colombie, comme d’autres pays d’Amérique latine, a pratiquement fonctionné comme un système féodal. Cette situation a empêché sa modernisation économique en raison de la vaste concentration de richesse entre les mains de quelques groupes puissants. Grâce à leur influence, ces groupes ont continué à accumuler plus de terres et de richesse, nuisant non seulement aux communautés paysannes mais aussi au secteur agro-industriel colombien. Avec le temps, peu de présidents ont essayé de réaliser une réforme agraire, bien que le gouvernement progressiste récent montre déjà des signes de progrès.
Dans son discours d’inauguration au congrès le 20 juillet dernier, le président Petro a détaillé que sur 7 millions d’hectares durant son administration, un million a été titré. De ce total, 750 000 ont été donnés aux communautés indigènes, tandis que 175 000 ont été attribués aux populations paysannes. « Avoir un titre améliore leurs conditions de travail et de production », a-t-il souligné. De plus, 7 945 hectares ont été attribués aux communautés noires. La réforme agraire pourrait être le principal moteur de l’industrialisation de la Colombie et du passage du féodalisme à une véritable économie capitaliste.
Le gouvernement de Petro vise à distribuer 1,5 million d’hectares, ce qui, avec une moyenne de 10 hectares par famille, bénéficierait à 150 000 familles et sortirait 750 000 personnes de la pauvreté. 3 billions de pesos ont été alloués pour l’achat de terres. Ce plan sera complété par un programme de « prêts à faible intérêt » pour faire de la Colombie une puissance agroalimentaire mondiale.
Les terres du narcotrafic
Un nouvel élément dans cette réforme agraire est que l’État possède une longue liste de terres confisquées au narcotrafic et à d’autres organisations criminelles, actuellement sous la garde de la SAE (Société des Actifs Spéciaux). Ces terres, devenues propriété nationale, sont distribuées aux familles paysannes par le gouvernement Petro.
À ce jour, des titres fonciers ont été remis à des centaines de familles paysannes dans différents départements : 3 500 hectares à Sucre, 780 dans la région de Salado, 526 dans le sud de Bolívar, 1 000 à Zarzal (Valle del Cauca), et 590 à Córdoba. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l’objectif des 1,5 million d’hectares, ces avancées sont prometteuses pour une réforme qui s’étalera sur plusieurs années.
La première récolte
La semaine dernière, sur l’une de ces terres données à la communauté paysanne de Sucre, la première récolte de riz a été célébrée, produisant 320 tonnes de riz sur 64 hectares. Gilberto Pérez, représentant légal de Fensuagro, a déclaré : « Ce que le président a proposé devient réalité. Aujourd’hui, nous voyons comment fonctionnent la SAE et l’Agence Nationale des Terres, et comment nous, en tant qu’organisation paysanne, guidons les familles pour cultiver leur nourriture. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que les parcelles de Támesis et El Paraíso sont une réalité pour les paysans. »
En conclusion, bien que cela puisse sembler paradoxal, la Colombie prend des mesures qu’elle aurait dû prendre au début du 20e siècle. Si le pays avait abordé à temps la question de la concentration élevée des terres, il aurait non seulement évité un siècle de conflit, mais aurait également établi les conditions nécessaires pour fonctionner comme une économie moderne. C’est également un message clair pour l’industrie et la région : réactiver le potentiel agricole d’un pays à la biodiversité vaste et au climat privilégié pour l’agriculture nécessite des investissements significatifs, mais offre également de vastes opportunités commerciales.